Sada TANGARA

Le Grand Sommeil, Série 1


photographies argentiques
Tirages et sélection de Robert Delpire pour la galerie Fait & Cause - Paris
sous le parrainage d’Henri Cartier Bresson - 1998
Prix Gilles-Dussein 2003
Rencontres d’Arles 2006, Les invités de Raymond Depardon

 

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Le Grand sommeil - 1998 - Sada Tangara

 

Sada Tangara est né en 1984 à Bamako (Mali).

Ses premiers travaux photographiques datent de 1997. Il avait alors 13 ans et venait d’entrer à Man-Keneen-Ki, la Maison d'arts et de soins des enfants errants de Dakar, bâtie par LFKs.

Comme elle l’a d’abord fait pour tous les enfants qu’elle a pris à sa charge, Man-Keneen-Ki a constamment mis des appareils jetables à la disposition de Sada et l’a incité à participer à la construction d’une mémoire photographique collective de la vie des enfants des rues, vie qu’il a vécu lui-même, durant plusieurs années.

À l’occasion du DAK’ART 1998 – la biennale des arts contemporains africains à Dakar, Man-Keneen-Ki organisait une grande exposition, à la scénigraphie très spectaculaire, à l’Office des Anciens Combattants, où elle montrait notamment les tirages de 150 clichés pris librement dans les rues par ses jeunes pensionnaires. Sada Tangara, comme les autres pensionnaires de Man-Keneen-Ki, guidait et commentait les visites dans l’exposition pour le public. Sada a vu l’étonnement et l’émotion des visiteurs de l’exposition. Il a compris l’importance des photographies qu’il avait contribué à rassembler. Cette expérience est à l’origine de sa décision de faire de la photographie son activité principale.

Fin 1998, il commençait une série qu’il a nommé Le Grand Sommeil et qu’il a prolongé, inlassablement, pendant des années.

Sada Tagara - dakar, juillet 2004

Sada Tangara photographie le sommeil des enfants des rues de Dakar ; des centaines de corps, isolés ou en grappe, en tas, en charniers provisoires. Il ne photographie que cela et l’accumulation de ces images sans mouvement, où le déclencheur ne fixe que de l’immobilité, n’enregistre que l’abandon, la capitulation publique, totale et toujours refaite des enfants sans destin, finit par nous offrir la mesure, la compréhension la plus précise et la plus juste de l’inadmissible : un monde d’enfants cassés, détruits, rejetés partout et par tous.

Pourtant, le très jeune photographe ne dramatise pas ce qu’il montre et, s’il travaille bien son cadre, ses angles, s’il choisit ses instants, ce n’est jamais avec le souci d’ajouter à l’image un commentaire d’ordre moral, d’induire une lecture compassionnelle du sujet. Sada Tangara est sans pitié pour les enfants qu’il photographie. Car, le premier des sentiments qui le relie à eux est l’amitié. Il les connaît. Tous. Certains de vue seulement, la plupart par leur nom ; il a vécu avec eux, cinq longues années. Il faut donc comprendre qu’il ne s’agit pas ici de reportage, de documents sur la misère, mais de portraits.

L’intention de Sada Tangara est à la fois anthropologique et politique ; il a conscience de la puissance de ses images telles qu’elles témoignent d’une forme de vie inconnue de tous, y compris à Dakar. Il espère bien qu’elles contribuent à « troubler le sommeil de celui qui dort tranquillement dans son lit ». Mais à l’instant du déclenchement, c’est une photo de famille qu’il prend. Voilà, sans doute, la première des forces d’un travail que lui seul pouvait faire : cette douceur de l’amicalité dont il baigne des images racontant le pire.

Sada Tangara poursuit sa carriète photographique, désormais à partir de la Norvège où il habite depuis des années, et du Mali, où il a fait constuire une maison.